On avait un rêve avant de venir en Australie, c’était de voir de nos propres yeux le parc national de Purnululu alias Bungle Bungle Range. Ce parc est situé dans une zone reculée et isolée du Western Australia. Pour s’y rendre depuis Alice Springs, il faut monter en direction du nord jusqu’à Katherine avec la Stuart highway avant de prendre la Victoria Highway et bifurquer sur la Great Northern Highway jusqu’à l’entrée du parc national. Soit un total de quasiment 2000 km. Mais ces derniers jours, on a étudié une autre solution plus aventureuse et donc plus marrante : la Tanami track !

La Tanami track est une voie dans le désert qui permet de relier Alice Springs à la Great Northern Highway soit un raccourci de 800 km. Cette route de 1150 km comprend 750 km de piste non goudronnée. Au départ, simple moyen d’accès, la Tanami track s’est révélée l’une des plus belles expériences de ces 6 premières semaines en Australie !

Les préparatifs

Mais attention, la Tanami track ne s’aborde pas comme n’importe quelle route ! En effet, un minimum de préparation est nécessaire. Pour nous, cela veut déjà dire réparer notre pneu, car il est primordial d’avoir au moins une roue de secours (deux dans l’idéal). Mauvaise nouvelle, le pneu n’est pas réparable alors, on doit en acheter un nouveau. On voit donc notre bourse s’alléger de 200 $. Ouille, c’est aussi ça l’Australie

Il faut aussi vérifier la météo, car plusieurs criques sont à traverser. Il ne faudrait pas se retrouver bloqué au milieu de nulle part en cas de forte pluie. Cela tombe bien, le temps des prochains jours est plutôt clément. Puis, il faut prévoir de la nourriture et de l’eau suffisamment pour plusieurs jours. Les recommandations font état de 5 L par jour par personne. Dans notre cas, on pense mettre deux jours et on choisit donc d’emporter 40 litres, car la température est caniculaire.

Enfin, il faut organiser son ravitaillement en essence, car il y a seulement deux stations au début de la Tanami track (kilomètre 169 et 272). Et autant te le dire, elles ne sont pas bon marché du tout : 1,80 $ à 2,00 $ par litre ! Dans le mesure du possible, il est donc préférable d’essayer de s’en passer. Dans notre cas, nous avons prévu plusieurs bidons d’essence (30 L) pour limiter au maximum notre ravitaillement dans l’une de ces stations.

Il est midi lorsqu’on est enfin prêt à partir à l’assaut de cette piste hors des sentiers battus ! Quelques craintes sont toujours là, comme crever plusieurs fois ou s’embourber, mais il est censé y avoir un peu de passage alors on se dit qu’au pire on attendra de l’aide ! En tout cas, une chose est sûre, cette fois on va goûter à l’outback avec un gros O.

19 km — Début de la Tanami track

Après 19 km sur la Stuart Highway, il est déjà temps de bifurquer à gauche pour démarrer la Tanami track. Nous voilà partis pour 1000 km au milieu du désert. Les 100 premiers kilomètres sont goudronnés, mais sur une seule voie. Il faut donc se déporter sur le bas-côté lorsqu’un véhicule vient en face. Mais, cela augmente d’autant le risque de se prendre un cailloux dans le pare-brise, car le bas-côté de la route en est rempli. Et, cela nous est déjà arrivé ! On a un bel impact en plein milieu du pare-brise et on craint que l’agence de location nous le fasse payer.

On arrive ensuite sur la partie non goudronnée. La piste est plutôt large et plate, on peut donc rouler facilement entre 80 et 90 km/heure avec notre SUV. Il est inutile d’utiliser le mode à 4 roues motrices. Mais la recommandation de ralentir lorsqu’on croise un véhicule reste vraie, surtout quand il s’agit de road train. Ces fameux camions avec deux ou trois remorques derrière eux. Après leur passage, la visibilité est nulle pendant plusieurs secondes.

Passage d'un road train sur Tanami track

169 km — Roadhouse de Tilmouth Well

On s’arrête à la seule roadhouse de la Tanami track pour refaire le plein d’essence. Et là, comme prévu le prix de l’essence fait mal aux fesses… 1,99 $ par litre ! On a bien fait de prévoir le maximum de carburant possible dans des bidons. On salue alors à ce moment-là les dernières personnes qu’on croisera pendant les 2 prochains jours. Sur la suite de la route, les camions laissent peu à peu place aux kangourous et aux buffles. On klaxonne pour faire sortir les animaux de la route et c’est plutôt efficace ! On ne croisera plus de véhicules de la journée, mais simplement une panoplie de pneus crevés ou explosés sur le bord de la piste. Au fur et à mesure, la couleur de la piste change. Le sable jaune clair laissant place à la terre ocre.

430 km — Aire de repos de Renahans Bore

Aire de repos de Renahans Bore - Tanami trackOn a roulé 450 km depuis Alice Springs. C’est plus que ce qu’on pensait en une demi-journée, car la piste était finalement assez bonne et notre vitesse de croisière était de 80 km/h. La fin de journée approchant, on décide de passer la nuit sur l’aire de repos de Renahans Bore. Pour autant que nous sommes en plein désert, cette aire est bien équipée avec une table de pique-nique sous un abri et une poubelle ! On est seul à poser notre camp ce soir. Il n’y a même pas le passage d’un véhicule ou de kangourous dans les parages. Cela fait un drôle d’effet de se dire qu’il n’y a personne à des centaines de kilomètres à la ronde !

C’est un peu flippant quand tu y penses, mais très vite tu ne vois que le côté positif. Déjà, il n’y a pas trop de questions à se poser pour aller faire pipi discrètement dans les buissons. Mais surtout, une immense sensation de liberté nous envahit. C’était ça aussi que l’on imaginait en rêvant à l’outback australien : être totalement seuls dans la nature vierge et sauvage avec personnes à des kilomètres. On profite de cette solitude pour prendre une « douche », enfin plutôt se verser une bouteille d’eau sur la tête. Cette toilette est approximative, mais ça fait un bien fou après la poussière accumulée dans la journée ! C’est rafraîchi qu’on contemple le magnifique ciel étoilé que nous offre la nature dans une obscurité totale au son d’une musique de fond.

Finalement, la nuit aura été agréable, car au milieu du désert la température descend par rapport à la journée. Ce matin, on part assez confiant, étant donné le nombre de kilomètres qu’on a effectué la veille.

526 km — Aéroport de Granites

Le paysage défile et se répète à l’infini à travers les vitres. On ne croise pas âme qui vivent en ce petit matin. Alors qu’elle n’est pas notre surprise d’apercevoir sur le bord de la route un avion de ligne. Un aéroport en plein milieu du désert, quelle idée nous direz-vous ? En faite, il s’agit de l’aéroport qui achemine les travailleurs pour la semaine à la mine qui se trouve juste à côté.

Malgré cet intermède, la route se fait longue. Elle demande une attention soutenue, car la piste est plus ondulée, plus abimée que la veille. En effet, on retrouve la fameuse tôle ondulée caractéristique des pistes australiennes. C’est d’ailleurs cela qui explique en partie les nombreuses carcasses de voitures rouillées et abandonnées sur le bord de la route après être sorties de la route. En effet, avec une vitesse trop élevée, il est facile de perdre le contrôle de son véhicule et de partir en tonneaux. Étant donné le prix du dépannage ici au milieu du désert, les personnes préfèrent abandonner leur véhicule. Tout cela donne un air de route fantôme et de fin du monde à la Tanami track !

707 km — Frontière Western Australia

Le passage de la frontière entre le Northern Territory et Western Australia est simplement matérialisé par un panneau. Il n’y a pas de grand bouleversement dans le paysage, par contre la piste se dégrade encore un peu plus. Pour casser la monotonie de la route, on en profite pour faire quelques arrêts photo. Notamment pour admirer ces cathédrales de terre qui se dressent par centaines à l’horizon. Pour se protéger des inondations de la saison des pluies, les termites construisent ses nids en hauteur.

D’ailleurs, des orages ont dû sévir dans la région ces derniers jours, car nous voilà contraints de traverser ou contourner des flaques géantes sur la route. Il faut trouver le bon dosage entre la vitesse et la précaution, car il ne faut pas s’embourber, mais il ne faut pas non plus se faire piéger par une flaque de 50 cm d’eau ! Après tous ces kilomètres, l’attention ne doit donc pas faiblir, d’autant que les nuages sont de plus en plus menaçants. On voit à l’horizon de véritables rideaux de pluie.

800 km — Apparition de la pluie

Ce qu’on redoutait finit par arriver. L’orage gronde au-dessus de notre tête et la pluie se met à tomber. Et là ce n’est pas une petite pluie fine, mais un véritable déluge ! La piste devient détrempée en quelques secondes. Dans ces conditions, même à 25 km/h, la voiture devient incontrôlable sur les ondulations de la piste. Elle chasse complètement de l’arrière jusqu’à une grosse frayeur : se mettre complètement de travers !

Pierrick a du mal à comprendre et anticiper le comportement de la voiture dans cette situation. Le voyant d’antipatinage ne cesse de s’allumer. Il se rappelle alors que l’antipatinage peut provoquer l’effet inverse dans certaines situations extrêmes. Il décide donc de le couper, et oh magie, tout cela redevient un peu plus rassurant !

850 km — Les floods

Aux environs des 850 km (nous n’avons pas le kilométrage exact), les derniers obstacles que nous réserve la Tanami track nous attendent. Après l’orage qu’on a pris sur la tête, nous voilà désormais contraints de traverser des criques remplies d’eau. Dans la première crique, on se rend compte qu’il n’y a pas énormément d’eau : moins de 10 cm, ce qui ne devrait pas poser de problème à notre SUV. Toutefois, pour mettre toutes les chances de notre côté, Pierrick enclenche le mode 4 roues motrices et se lance dans la traversée. Celle-ci se passe sans encombre. Youpi !

Mais la joie est de courte durée, car quelques kilomètres plus loin, on se retrouve face à une autre crique. Cette fois l’eau semble plus profonde, mais impossible de savoir depuis la voiture. Sandrine sort donc vérifier le niveau de l’eau avant qu’on se lance. Là, il ne faut pas s’imaginer tremper ses pieds dans une belle eau turquoise, mais plutôt dans une eau boueuse et opaque. Heureusement qu’il n’y a pas de crocos dans le coin… Ah ben si justement c’est une région réputée… ! Cette fois, il y a facilement 15 cm d’eau. Cela devrait quand même passer. L’eau gicle un peu partout et arrive tout de même sur le bas des portières. Heureusement qu’il n’y avait pas plus d’eau, sinon on n’aurait pas eu d’autre choix que d’attendre que le niveau de l’eau baisse, ce qui peut prendre plusieurs jours. En tout cas, il est clair qu’il ne fallait pas avoir une voiture plus basse !

Etat voiture sur Tanami track

Nouvelle couleur de la voiture après la traversée des gués !

904 km —Wolfe Creek Crater

Toutes ces péripéties ont fortement ralenti notre vitesse de croisière. On arrive au croisement pour le cratère Wolfe Creek en fin d’après-midi. Le cratère mesure 875 m de diamètre et environ 60 m de profondeur. Son origine serait une météorite qui serait tombée sur terre il y a moins de 300 000 ans. Les 23 km qui nous séparent du cratère paraissent bien peu de chose par rapport au 1050 km de la Tanami track. Mais les conditions de la piste sur ces derniers kilomètres nous incitent à la prudence. D’autant qu’on aimerait éviter de rouler de nuit. Imaginez-vous traverser des criques de nuit…. Alors on se raisonne à poursuivre notre route et profitons du passage des kangourous et des paysages au coucher du soleil, avant de retrouver la civilisation.

1015 km — Fin de la Tanami track

Enfin, on voit le bout  de la Tanami track. On est quand même content de retrouver le confort et la facilité d’une route goudronnée. On n’hésite pas à parader et à faire des photos souvenirs devant le panneau de départ de cette route : YES, WE DIT IT !! On a bien mérité de profiter du coucher de soleil.

Finalement, on comprend pourquoi nous avons croisé aussi peu de véhicules sur cette portion de la route. D’une part, la route était plus abîmée avec de grosses ondulations et des parties boueuses. Mais aussi avec les premières pluies de la saison, la fin de la route était tout juste praticable. À quelques jours près, on aurait pu se retrouver bloqué…

Halls Creek — Chez les aborigènes

Quelques kilomètres plus loin, on arrive à Halls Creek. Un petit village qui nous permet de nous ravitailler en carburant et de retrouver la civilisation. Ici, la population est majoritairement aborigène. Peut-être est-ce dû à notre isolement de ces derniers jours, mais l’atmosphère est étrange. Pour la première fois en Australie, on ressent comme un léger sentiment d’insécurité. Difficile de cerner exactement l’origine de ce sentiment. Les enfants traînent autour des pompes à carburant. D’autres aborigènes errent dans les rues dans une démarche nonchalante, tels des zombies. Il faut dire que ce peuple a majoritairement été mis au banc de la société moderne et sacrifié au nom de notre pseudo productivité. Ce peuple s’est fait exproprié de ses terres, traiter en quasi-esclave et ses enfants ont parfois été enlevés pour être éduqués. Ce n’est donc pas surprenant que de nombreux membres de ces communautés aient trouvé refuge dans l’alcool et la drogue. Aujourd’hui ce peuple est en train de trouver un second souffle grâce à la richesse de sa culture et notamment de ses peintures.

Leycesters rest area — Ord river

On décide de passer la nuit sur l’aire de Leycesters à quelques kilomètres de l’entrée du parc national de Purnululu. On entend grogner les buffles dans la nuit avec l’orage qui gronde au loin et les éclairs qui illuminent le ciel. On ne sait pas si les buffles grognent en raison de l’orage ou pour autre chose. Il faut dire que la région est connue pour être l’habitat de crocodiles et que la rivière n’est pas très loin. Le lendemain, tous les buffles ont l’air vivants ! Enfin a priori, car on n’est pas allé vérifier aux bords de la rivière. Courageux, mais pas suicidaires non plus !

Purnululu — La désillusion

Entrée du parc PurnululuComme prévu, on se rend à l’entrée du parc de Purnululu à une cinquantaine de kilomètres de là. À notre arrivée, on se retrouve devant le portail fermé du parc et un simple écriteau « CLOSED » avec un numéro de téléphone. Il n’y a pas d’informations sur la raison ni sur la durée et il n’y a pas plus de réseaux téléphoniques pour appeler le numéro affiché. Je vous laisse imaginer notre déception à ce moment-là. Nous n’avons d’autre choix que de faire la route en direction de Kununurra. En chemin on s’arrête dans une roadhouse à Warmun pour tenter d’en savoir plus. Un client nous indique que le parc serait fermé jusqu’à nouvel ordre. Nous n’avons pas d’autres solutions que de continuer jusqu’à Kununurra à 150 km pour savoir réellement de quoi il en retourne.

Une fois au centre d’information pour visiteurs de Kununurra, la sentence tombe : le parc est fermé pour le reste de la saison, c’est-à-dire jusqu’à avril (pour la saison des pluies) à cause des orages de ces derniers jours. En effet pour se rendre dans le parc, il faut traverser plusieurs rivières et le niveau est désormais trop haut. On est dépité et un peu dégouté d’avoir fait tant de kilomètres pour rien…

Notre avis

Il nous aura du temps pour digérer notre déception de la fermeture du parc national de Purnululu. Mais après plusieurs semaines de recul, on réalise que la Tanami track était une expérience à part entière ! C’est définitivement l’expérience d’une vie que de parcourir les pistes ocre de l’outback australien et c’est à la portée de tous avec un peu de préparation. Alors on ne peut que te conseiller de te lancer dans cette aventure. Tu ne verras pas des paysages à tomber à la renverse, mais tu connaîtras ce sentiment d’être en plein coeur du désert et tu toucheras un peu du doigt ce que devait être la vie des aborigènes avant l’arrivée des colons dans un environnement aussi inhospitalier… Peu d’endroit sur terre permet encore de vivre ce genre d’aventure. Cette expérience aura aiguisé notre appétit de l’outback australien au point qu’elle sera à l’origine d’un retour quelques mois plus tard !

Expérience :   
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