C’est une grande première pour moi (Sandrine), c’est décidé aujourd’hui je parle à cœur ouvert. Je vous explique pourquoi j’ai trouvé notre road-trip en Australie difficile. Je ne vais pas parler d’informations concrètes et objectives sur ce pays, mais de réflexions. Car en faites un voyage au long cours, ce n’est pas que des beaux paysages.
Flash back en novembre 2015
Alors que nos proches attendaient avec impatience le bilan de notre road-trip en Australie, je parlais du pays des kangourous sans enthousiasme et avec des commentaires négatifs. Ce n’est surement pas ce qu’ils voulaient entendre. Et puis, que doivent-ils se dire ? On est en vacances prolongées, on vit un rêve que beaucoup de personnes ne peuvent se permettre, alors on n’est pas censé se plaindre… Mais, c’est comme ça que je l’ai vécu sur le moment. Pierrick me fait toujours remarquer mes commentaires négatifs un peu exagérés. C’est bizarre, ce n’est pas comme ça que la pensée positive du Québec m’a façonné ces dernières années. Est-ce que cela a été si négatif ?
Avec plus de recul et différentes expériences de voyages, je comprends un peu plus pourquoi j’ai mal vécu ce road-trip. Je vous partage mes pistes de réflexion, pour les curieux et pour les voyageurs qui seraient déçus d’un voyage passé ou futur.
Mes idées reçues
Des idées reçues ou croyances que j’avais ont influencé ce que j’ai ressenti. Ces croyances nous en avons tous. Par exemple, c’est une personne qui se dit « un couple doit tout faire ensemble », alors elle ne supporte pas quand son conjoint ne va pas dans son sens. Ou bien, c’est une mère qui a en tête la croyance que « les mères ont un instinct maternel » ou « une naissance est la plus belle chose de toute une vie », alors dans les moments difficiles elle a l’impression d’être une mauvaise mère.
Mes croyances étaient celles-ci : « Le voyage, ça doit être comme dans un rêve », « Le voyage, c’est des vacances » ou encore « En voyage, on vit que des moments positifs avec son conjoint ». Est-ce que c’est des choses que tu te dis, toi aussi ? Mais, cela ne se passe pas toujours comme prévu, alors un flux d’émotions négatives et de réflexions s’en suit.
1ère idée reçue : Le voyage, c’est comme dans un rêve
Voyager c’est un rêve, on y pense avant et on l’attend avec impatience. Derrière ça, j’avais l’idée que quelque part cela doit être parfait. Même si, je l’avoue, avec nos précédents voyages, je savais que tout n’est pas rose en voyage. Avec cette croyance, c’est difficile d’accepter quand quelque chose va de travers (aussi minime soit-elle) ou d’accepter qu’on ne s’émerveille pas sur tout. Après la Mongolie et Hong-kong, mes destinations préférées, je trouvais les paysages côtiers du sud-est australien bien ternes. Quand les attentes sont trop élevées, on ne peut qu’être déçu. Alors, j’ai été déçue.
Une fois que tu as accepté ces émotions chez toi, tu te confrontes à cette croyance chez les autres. Tu ressens les attentes fortes d’autrui. Tu culpabilises de ressentir cette déception, alors que tu es dans un contexte privilégié. Parfois, tu dévalorises ce que tu as fait, car ton expérience n’est pas non plus celle qu’ils imaginaient.
Le plus souvent tu n’en parles pas trop, enfin pas à tout le monde, car il faut le dire les réseaux sociaux et les blogs de voyage ont tendance à être dans le TOUT positif. C’est bien de voir le positif dans la vie, ça rend plus heureux. Mais sur la toile, on dirait que c’est désirable, que c’est ce qu’il FAUT dire. Alors ça ne fait que renforcer cette croyance que tout est merveilleux dans le voyage et faire d’autres déçus qui n’oseront pas l’avouer. Nous aussi, parfois nous nous laissons prendre au jeu… L’idée est d’en faire profiter les gens, ils ont envie de rêver, c’est facile avec des photos. Mais si tu lis nos textes, tu verras bien que tout n’est pas toujours rose derrière le décor.
2ème idée reçue : En voyage, on ne vit que des moments positifs avec son conjoint
Oui, c’est bien connu, une semaine de vacances, c’est une bonne chose pour un couple, cela permet de se retrouver. Même si je me doutais que cela ne serait pas facile tous les jours. Je ne m’attendais pas à ce point. C’est le rêve, alors pourquoi se disputerait-on ?
Sauf que ce n’est pas toujours le rêve comme on vient de le voir et qu’avec la fatigue, les situations stressantes, la chaleur, les déceptions et le fait d’être 24h/24h ensemble dans quelques m2, les nerfs sont à fleur de peau. Moi si calme face aux foudres de Pierrick, je sors de mes gonds bien plus souvent qu’il ne faut. Et mes défauts supportables dans un cadre routinier boulot-dodo, sont alors bien plus problématiques.
Imagine que je n’aime pas prendre de décisions, et là d’un coup il faut qu’on en prenne 10 tous les jours…alors ça énerve, ça stresse, c’est déstabilisant et à force ça questionne le couple. Avant de partir, j’imaginais plutôt une menace venant de l’extérieur (comme une grande Australienne aux cheveux blonds ), mais finalement la menace vient de l’intérieur.
En faites, c’est un peu un manège à sensations fortes pour le couple. On vit des choses négatives aussi intensément que des choses positives. Alors, voyager au long cours, ce n’est pas de tout repos pour le couple…et cela ne l’est pas tout court.
3ème idée reçue : Le voyage, c’est des vacances
Autre croyance à revoir. Qui ne pense pas à van, plage, surf, soleil ou farniente quand il pense à l’Australie ? Ce sont les représentations que l’on se fait de ce pays, mais ce n’est pas toujours comme ça. Par exemple, il faisait froid et pluvieux sur la côte sud-est en novembre. Et puis, ce n’était pas de tout repos. Peut-être que dans un hôtel « tout inclut » ça peut être des vacances, mais un road-trip ce n’est pas le farniente, surtout en Australie. Oui, on dort mal : la nuit, on se fait réveiller par son conjoint qui bouge sur le matelas pneumatique de 1m de largeur (enfin je parle surtout pour Pierrick, car je n’ai pas la nuit tranquille), puis tu te lèves à 6h30 en sueur avec la chaleur.
Ta journée aussi est quand même bien rythmée. Par exemple, réveil à 7h, on s’habille, on range le véhicule et dégonfle le matelas, on roule 300 km, on mange, on prend de l’essence, on randonne, on cherche de l’eau et un endroit pour faire la vaisselle, on roule de nouveau 100km, on cherche un endroit où dormir, on cuisine, on regonfle le matelas. Il est 22h. Il nous reste plus qu’à décider et planifier ce qu’on fait le lendemain et on s’endort direct.
Avec le recul
On aurait pu faire autrement, ça aurait pu être différent en prenant encore plus le temps… Nous voulions sans doute trop faire et des choses trop éloignées… Telles des vacances où tu pars 15 jours et tu veux profiter à fond. Mais sur la durée, ce n’est pas possible, tu t’épuises. On en vient donc à la conclusion suivante : un voyage au long cours, ce n’est pas des vacances, c’est comme un nouveau mode de vie.
Un voyage au long cours, c’est un nouveau mode de vie
Vivre différemment
Comme on a déjà vu, on ne peut pas tenir sur ce rythme. En tout cas, nous, cela ne nous convient pas comme façon de voyager. On préfère prendre le temps d’explorer un pays. En plus, on ne peut pas voyager de la même manière en vacances et en voyage au long cours, car nous vivons essentiellement sur nos économies. Là est la nuance, nous ne voyageons pas seulement 15 jours. On ne peut pas se faire plaisir avec un restaurant, des activités ou des nuits à l’hôtel.
Le coût de la vie en Australie m’a demandé une remise en question de ce qui pour moi faisait partie des besoins de la vie quotidienne. Nous avons un budget limité et en plus l’essence occupe une part très importante de notre budget avec tous les kilomètres que nous avalons. On savait qu’on n’irait pas à l’hôtel, mais on espérait dormir en camping. Impossible, encore trop cher. Ne pas prendre une douche, ça va être dur. Peut-être tous les 2 jours… Finalement, une fois par semaine ça sera déjà du luxe. Faire une machine, on oublie. On lave sa lessive soi-même. Tranquillement, il faut revoir ses habitudes et son confort.
Manger différemment
Dans les besoins de base, il y a aussi l’alimentation. Quand tu es habitué à manger des sandwichs, ça ne pose pas de problèmes, le pain de mie est bon marché en Australie. Mais pour moi, c’est important de faire tous les repas et de manger un minimum équilibré. Nous n’avons pas de frigo, donc pas de yaourts, de beurre, de fromage ou encore de sauce salade. OK, on va faire avec. A la place, je fais le plein de légumes, mais le budget alimentation grimpe en flèche. Alors, il faut revoir encore à la baisse. En plus, avec la chaleur, les légumes se conservent très mal. Difficile de manger plus qu’un seul fruit et légume par jour pour deux, alors que la température est caniculaire et qu’on a seulement envie de cela. Alors, on va seulement utiliser quelques sachets de sel et de poivre pour agrémenter notre salade, mais c’est un peu sec . Certains le vivent bien, pour moi c’était attaquer un des besoins de base et un des petits plaisirs du quotidien.
Avec le recul
De petites choses simples permettent de rendre les choses plus faciles et de garder le moral : de la moutarde, de la sauce soja ou des oignons, c’est un peu comme mettre de la crème dans les épinards !
Un voyage au long cours te fait perdre tes repères
Par repères ici, j’entends le fait que tu te retrouves dans un environnement différent avec du nouveau matériel et il faut les apprivoiser. Tu dois apprendre à allumer ce réchaud à essence, à conduire à gauche, etc. Mais aussi, tu dois te débrouiller avec juste ce que tu as sous la main, alors qu’avant tu avais tout un tas d’ustensiles et d’accessoires à ta disposition .
Des choses que tu fais en pilote automatique jusqu’alors te demandent d’être attentif à 100%. Par exemple, dans un appartement, tu ne réfléchis plus à comment tu dois t’y prendre pour faire ta vaisselle, faire cuire ton repas ou prendre ta douche. Tu fais cela de manière automatique, pendant que tes pensées vaguent. Or, avec ces changements, tu dois comme planifier tous tes gestes. Ça vous semble surement bête, mais c’est des questions comme ça : « Où et dans quoi faire la vaisselle ? J’ai le choix entre le lavabo des toilettes publiques ou la casserole. Mais, où la poser quand elle est propre… Le sol ou le lavabo ? On n’a pas d’abri, pas de table et il pleut, on mange où ? Pas le choix, dans la voiture. Où on met notre linge à sécher ? Les sièges sont pris, peut-être sur la plage arrière, ah mince il y a déjà la serviette. ». Intéressant non, ce genre de dialogue intérieur ?
Je me suis aperçue que je faisais beaucoup de choses en pilote automatique avant et que j’étais un peu paralysée par rapport à ces nouvelles choses. Ces choses pourtant simples me prenaient de l’énergie et je faisais des erreurs d’inattention. J’ai fait fondre un couvert en plastique, abimé la casserole, mal fermé des aliments qui se sont répandus dans la voiture, etc. Des petites choses qui ne sont pas graves, mais qui avec la fatigue, la chaleur et tout le reste, deviennent de GROSSES choses qui te rendent de mauvaise humeur ou qui énervent ton conjoint.
Avec le recul
J’aurai pu dédramatiser. Maintenant, ça va mieux, car je suis habituée au matériel et à comment il fonctionne. À force, tu mets en place une sorte de routine et de nouveaux repères. Et puis, tu te rends compte que de petites choses facilitent grandement la vie, comme avoir une bassine pour faire ta vaisselle ou un couvert en métal !
Pour conclure
J’ai mal vécu ce road-trip sur le moment, alors qu’avec le recul je me rends compte que nous avons aussi vécu pleins d’expériences positives. Certes, j’ai trouvé que la côte sud-est n’était pas la meilleure partie de l’Australie, alors le rapport coût-bénéfice est parfois mis à mal. Mais, il y a tout de même de belles choses à découvrir et à vivre. Quant à l’outback, cela reste nos meilleures expériences de ce road-trip, même si j’ai appris que je supportais très difficilement la chaleur et ses mouches assoiffées .
Le premier problème est que nous avons voulu en faire trop en peu de temps, alors que nous avions un confort minimal. Or en faire trop, cela a un coût et cela épuise, alors si tu n’as pas un peu de confort et de plaisir pour faire l’équilibre, dur dur… Ensuite, on a eu plusieurs frustrations comme un parc fermé, des lieux accessibles seulement par un tour ou un hélicoptère, un pneu crevé, etc. Par conséquent, nous étions pris par la fatigue, nos émotions négatives et nos déceptions. Et puis, de mon côté, je ne m’étais pas assez préparée à devoir changer mon mode de voyage.
Avec un peu plus de temps, nous aurions pu vivre l’expérience différemment et sans doute plus apprécier cette partie de l’Australie. Suite à cette expérience, nous profiterons de notre escale de retour à Sydney au départ de la Nouvelle-Zélande pour découvrir la côte ouest plus sauvage dans un autre état d’esprit.
Finalement, en partant, je souhaitais découvrir des pays et de nouvelles cultures, vivre au moment présent ou encore améliorer mon anglais. Mais je n’avais pas vraiment d’objectif de connaissance de soi ou de cheminement personnel. Et pourtant, cela a pris beaucoup de place dans le voyage. Et je l’ai appris à mes dépens. Là-dessus, le mot de la fin pourrait être…
Le voyage au long cours est un cheminement vers la connaissance de soi. Il t’oblige à repousser tes limites ou à apprendre à les accepter.
Sandrine, merci pour ce beau témoignage qui vient du coeur!
Partir avec son amoureux pour un road trip de 1 an à travers le monde, c’est selon moi l’épreuve de force ultime pour le couple… on apprend beaucoup de l’autre et de soi, surtout dans les moments difficiles. Vous pouvez tout simplement vous féliciter d’avoir vécu ensemble ces moments difficiles, et le fait que vous les ayez surmontés prouvent la solidité de votre union. Alors bravo, tout simplement. Rien n’est parfait, ni soi, ni l’autre, ni l’expérience de voyage.
Bonjour Lilian,
Tu l’auras deviné, ce témoignage vient du coeur, j’ai d’ailleurs longtemps hésité à le publier. Alors, merci pour ton commentaire et tes mots réconfortants.
A bientôt. Amicalement.
Sandrine
j’aime beaucoup ton analyse, je pense qu’il faut beaucoup de courage , de ténacité , d’ ouverture d’esprit pour effectuer un voyage dans de telles conditions et je crois que tu es pourvu de toutes ces qualités , et ton commentaire amène à réfléchir sur nos réactions intempestives lors de stress,ou de contrariétés surtout avec le recul lorsque l ‘on regarde le motif qui les provoque .Modifier son regard, s’adapter,faire autrement, que de motifs de réflexion personnelle tu apportes…
Oui, il faut que l’envie soit profonde pour accepter ces conditions. Après, je pense que c’est normal que cela demande un temps d’adaptation, plus ou moins long en fonction des personnes. Mais je ne regrette pas, car c’est en sortant de sa zone de confort qu’on peut évoluer. Maintenant, je me sens capable de vivre avec presque rien (réchaud, tente, etc.). Cela me permet d’être moins parasitée par de petits stress insignifiants du quotidien et c’est rassurant face à l’avenir.
Coucou Sandrine,
Tu es une belle personne “extérieur” et surtout “intérieur” et cette belle analyse ne peut que te faire avancer sur le chemin de la vie!!!!
Gros bisous à vous 2
Nanou
Merci Nanou pour ce gentil message positif face à l’avenir !
Au plaisir,
Sandrine
Je trouve ça dommage, en prenant un 4×4 avec rooftent en explorant l’Australie beaucoup plus sauvage tu aurais plus une claque… Ou un van entièrement aménagé pour garder le confort d’une maison tout en voyageant… L’Australie est un pays immense, des coins absolument incroyables s’y cachent, comme Karijini national Park, ningaloo reef, kings canyon… Franchement pour avoir fait énormément de pays en Asie, Afrique et Amérique latine, l’Australie m’a marqué pour ses paysages incroyables
Bonjour Paul,
Merci pour ton message. C’est drôle que tu dis ça, çar justement après notre PVT en Nouvelle-Zélande, on a décidé de revenir en Australie. Cette fois, on a loué un van pour faire la cote ouest pendant 1 mois et demi, puis on a fait 2 semaines en 4X4 / tente notamment pour faire la célèbre Gibb River Road et Purnululu. On a pris plus notre temps, on a profité de la magnifique cote ouest sauvage et on a vécu de superbes aventures dans l’outback (traversées de rivières, trek sur plusieurs jours, etc.). De quoi nous réconcilier avec l’Australie et finalement cela a été permis nos plus belles expériences de voyage ! Tu as l’air d’avoir beaucoup vadrouillé et je te rejoins, les étendues sauvages d’Australie sont marquantes ! Après l’outback, cela a été un choc de se retrouver dans le brouhaha des villes indonésiennes ;-).
Au plaisir,
Sandrine